#11 Nos nuits en pleine nature sur la route vers Dar Es Salaam

#11 Nos nuits en pleine nature sur la route vers Dar Es Salaam

« Du 17 au 26 Février 2022 »

Notre passage de frontière

Nous voilà arrivés en Tanzanie. Comme toujours, le passage de frontière n’a pas été de tout repos. Peu de voyageurs entrent dans les pays d’Afrique par les terres. Le processus n’est pas toujours très au point. En y repensant, on a eu la chance de passer en même temps qu’un convoi de 3 Land Rover Defender suréquipés, conduits par des Sud Africains habitués des frontières. Ils sont en expédition jusqu’au Cap Nord en Norvège. Pour eux, les frontières vont se compliquer davantage au sud Soudan avec une escorte et en Égypte où l’administration est extrêmement lourde pour faire entrer son véhicule. Pour en revenir à la Tanzanie, nous avons toutes les photocopies nécessaires : tests PCR négatifs, papiers du véhicule et d’identité, permis de conduire  et email de confirmation du formulaire d’entrée en ligne. 

La première étape à passer côté tanzanien concerne le covid. La responsable santé vérifie méticuleusement la conformité du test sur une plateforme prévue pour et effectue un test rapide pour confirmer le résultat négatif. La suite se déroule sans encombre : délivrance du visa contre 50€ chacun, tamponnage de notre carnet de passage, payement des taxes routières pour le véhicule et contraction d’une assurance auto. Ce dernier point a pris un peu plus de temps. Pour faire court, on a ouïe dire qu’il y a pas mal d’arnaques à la frontière, ou alors des tarifs exagérés. On a pu s’assurer (c’est le cas de le dire) qu’il n’y avait pas de  couacs auprès du bureau principal de la National Insurance Corporation.

La journée touche à sa fin, nous prenons la route une petite heure avant la nuit. L’orage éclate et nous décidons de nous arrêter sur le parking d’une station service pour ce soir. Comme nous sommes fatigués et que la pluie continue dehors, nous partons à la recherche de nourriture. Pour 2000 shillings, soit 0,70€, dans un petit resto de rue, nous trouvons une petite soupe au bœuf accompagnée d’une banane plantain. Les épis de maïs grillés achetés à côté finissent de nous remplir l’estomac.

On ne pouvait pas faire plus typique pour une première soirée en Tanzanie. Les locaux semblent surpris de nous voir ici. Ils n’ont pas l’habitude des touristes dans cette région. D’ailleurs très peu parlent anglais, même pour nous donner les prix c’est compliqué.

Le cratère de Ngosi

Il y a beaucoup de randonnées sur la route entre la frontière et Dar es salaam. Mais toutes sont payantes, au prix élevé de 10$ par personne. On ne va donc pas pouvoir toutes les faire. On en a repéré une qui mène en haut d’un cratère, le deuxième plus grand d’Afrique d’après les enseignes. Nous prenons la petite route de terre jusqu’à l’entrée de la réserve. Avec les pluies des jours précédents, de grosses flaques ce sont créées sur la route. Depuis que l’on a perdu notre plaque d’immatriculation, en traversant un passage d’eau au Mozambique, nous faisons attention. Il vaut mieux s’arrêter dès que possible pour ne pas se retrouver bloqués. 

Un peu plus loin, nous trouvons un bel espace d’herbe entre la forêt et un champ de maïs, parfait pour camper. Nous sommes seulement à un petit kilomètre du parking, idéal pour commencer la randonnée.

Le chemin nous entraine au milieu de la jungle. Au fur et à mesure que nous avançons, il se resserre jusqu’à devenir un petit sentier au milieu de cette végétation luxuriante. J’avoue ne pas être rassurée. Pour commencer, les mouches tsé-tsé nous accompagnent depuis que nous nous sommes mis en marche. Attirées par le noir, une dizaine se sont posées sur mon pull et pantalon. Les mouches tsé-tsé peuvent être porteuses de maladies peu agréables. Ensuite, il faut faire attention aux serpents qui pourraient se confondre avec des lianes. Vigilants, nous avançons à bonne allure jusqu’à tomber sur un grand groupe d’écoliers. Ils sont bien fatigués mais contents de rencontrer des étrangers, certains allant jusqu’à nous demander des photos.

Une fois arrivés au point de vue. Nous découvrons le cratère, et en son centre, le lac qui s’est formé. La vue est splendide ! Nous avons de la chance qu’elle soit dégagée. On entend au loin, dans la jungle, les cris des singes et oiseaux. Ce spectacle récompense notre ascension quelque peu angoissante.

Sur le retour, on nous confirme que nous pouvons rester sur notre spot pour la nuit. C’est parfait ! Il y a peu de passages, on va être tranquille.

En Tanzanie, et particulièrement dans ces régions moins touristiques, personne ne parle anglais. Pour se faire comprendre , nous utilisons beaucoup de gestes et apprenons au fur et à mesure du Swahili: « Mambo = comment vas-tu ?, Poa/Safi = bien, Unaenda wapi ? = ou allez vous ? , Ninakwenda … = je vais à …, kutembelea =visiter… »

Mbeya, au sud ouest de la Tanzanie

Nous arrivons à Mbeya, la plus grosse ville de la région Sud-est. Notre routine d’arrivée dans un nouveau pays démarre. On commence par trouver une carte Sim pour avoir internet. Puis, on retire des espèces dans une banque sans frais. Dans chaque pays, la majorité des banques imposent des frais de retrait pour les cartes internationales. On réalise donc un tour des banques jusqu’à trouver celle qu’il nous faut. 

On profite aussi d’être dans une grande ville pour enfin laver notre voiture. Uyo n’a pas vu un jet d’eau depuis le Mozambique depuis la fin de l’année passée. Il est important de laver régulièrement le châssis. Il rouille plus facilement avec le sable et la boue. On choisi un petit car wash sur le bord de la route et nous ne sommes pas déçus. Ce sont de vrais professionnels, rien à redire. Uyo n’a jamais été aussi propre, on ne le reconnaît plus. Tout y est passé du châssis au toit, en passant par les vitres intérieures et extérieures. Même les pneus ont été astiqués et retrouvent une gomme de couleur noire comme neuve. 

En route pour Iringa –  Nina kwenda Iringa 

La route est encore longue jusqu’à Dar es Salaam. On prend notre temps pour la parsemer de pauses et visites afin de mieux découvrir les régions. Les paysages traversés sont magnifiques. Mais la conduite est éprouvante entre la route qui se rétrécit, les nombreux camions et les bus qui dépassent à tout va.

Pas si vite ! On se fait arrêter par la police dans un petit village qui nous accuse d’excès de vitesse. 57km/h au lieu de 50km/h. Nous n’y croyons pas. Avertis plutôt deux fois qu’une des contrôles de vitesse sur cette route, on a les yeux rivés sur le compteur. On dément et demande la preuve. Entre les histoires de corruption et les montages photo, on en a entendu des vertes et des pas mûrs à propos de cette route. On insiste et demande à voir le radar et la photo originale, sinon on ne payera pas l’amende. Un des deux policiers se joint à nous dans le van, demi-tour jusqu’au village précédent. Il nous demande de nous arrêter au niveau du panneau de sortie de zone 50. C’est là qu’ils prennent les gens qui, comme nous, commencent à accélérer à l’approche du panneau de fin de zone 50. Son collègue sort des buissons, camouflé tout en noir. Il  est en net contraste avec l’uniforme blanc du policier qui nous accompagne. La preuve nous est présentée. Il est temps de s’excuser. Nous avons fait très attention mais on ne les savait pas aussi fourbes. Très bien, pour la suite du trajet, on roulera à 40km/h plutôt qu’à 50. On s’acquitte des 30000 Shillings (12€) d’amende contre un reçu officiel. Sans reçu, c’est à dire dans  la poche des policiers, on nous propose une réduction. La corruption n’est jamais loin. Pas super clean les policiers qui nous faisaient la leçon, la pureté de l’uniforme blanc ne leur va pas si bien finalement…

Au détour d’un chemin de terre rouge, qui sort de la grande route, nous trouvons un espace parfait pour passer la nuit au bord d’un lac. Nous sommes seuls ou presque. Un pêcheur vient tendre son filet dans le lac chaque matin, sur une petite barque en bois. Il agit avec souplesse, debout dans cette petite embarcation branlante. Nous aimons tellement cet endroit calme en pleine nature que nous décidons d’y rester une deuxième nuit. C’est aussi l’occasion de sortir le kayak et d’avancer sur nos montagnes vidéos.

Avant d’arriver à Iringa, la prochaine grosse ville, nous nous arrêtons à Isimila Stone Age natural pillars. Au creux des montagnes un petit canyon s’est formé créant des tours naturelles. Comme tous les espaces naturels en Tanzanie, il faut payer. Pour les étrangers c’est 10$ par personne plus 18% de TVA. Nous avons un budget serré et cette somme est trop importante pour une simple balade. On hésite. Puis, de retour à l’accueil, on demande s’il est possible d’avoir une réduction ou de se relayer pour aller faire la visite avec le même permis. Mais l’officier de la réserve fait bien son métier et ne peut pas changer les prix fixés par le gouvernement.

On décide finalement de ne prendre qu’un seul permis pour rester dans notre budget. On tire au sort pour décider qui ira voir les piliers de roches rouges. Celui qui devine l’heure qu’il est avec le plus de précision ira. Valentin dit 12h42, Laurène 12h46. Croyez le ou non, il était 12h44. On tire alors à pile ou face. Ouf, la pièce ne tombe par sur la tranche ! C’est Valentin qui ira avec la mission de prendre photos et vidéos. Le lot de consolation pour Laurène, c’est la visite du petit musée à côté de la réception.

Iringa, la grande ville marchande

Nous arrivons enfin à Iringa. Cette petite ville du sud de la Tanzanie nous a été recommandée par d’autres voyageurs. Elle est entourée de montagnes et s’apparente à un marché géant. Devant chaque porte, un petit stand est installé pour proposer aliments, vêtements, tissus, paniers en osier et autres objets en tout genre. L’ambiance est accueillante, on s’y sent tout de suite bien.

Nous nous installons sur le parking de Neema Craft. C’est une association à but non lucratif créée en 2011. Elle aide, forme, emploie et soutient les personnes en situation de handicap. L’association est composée d’un grand atelier de création, d’un café, d’une auberge et d’une petite boutique. C’est un lieu que l’on a découvert sur l’application iOverlander, notre guide préféré depuis le début du voyage. C’est un point de rencontre incontournable pour les touristes, comme nous le découvrons en entrant dans le café. Il est rempli en grande majorité de blancs.

Nous passons la nuit sur le parking de l’association qui nous a chaleureusement invité à rester. Nous souhaitons visiter les ateliers le lendemain. C’est Nashon qui se propose de nous faire découvrir les lieux. Quelques années en arrière, ils produisaient uniquement des cartes postales. Leur catalogue s’est bien développé depuis. On y retrouve des ateliers regroupant tissage, couture, sérigraphie du tissu et menuiserie. La plupart des matériaux sont locaux, du bois venant de Morogoro, aux fibres textiles originaires de la région d’Iringa. Les travailleurs ont tous un poste qui convient à leur handicap. Le mode de communication principal dans ce lieu est le language des signes car les sourd-muets représentent 60% des personnes employées ici.

Nous reprenons la route après manger car nous la savons longue et compliquée. Les poids lourds représentent 90% des véhicules et sur les routes de montagnes le trafic peut être bien ralenti.. Heureusement, à la différence du Malawi, peu de gens marchent sur le bord des routes. Les camions sont tous décorés. On peut lire au dessus de leur pare-brise ou à l’arrière des slogans comme Mashaallah, Only God know ou encore des phrases écrites en Swahili que nous essayons de décrypter grâce à notre application de traduction.

Mikumi, la route au milieu d’un parc national

Après les routes de montagnes en lacets au milieu des camions, nous arrivons à Mikumi. C’est une petite ville principalement connue pour être située à l’entrée du parc national du même nom. Il s’étend sur toute la région soit 3230 km2.

La route principale passe à travers le parc. Comme l’indique les panneaux, la vitesse est limitée à 50km/h pour protéger les animaux sauvages. D’autres panneaux, plus atypiques, listent les animaux et le prix des amendes si l’on en reverse un. Un lion 4900$, une girafe 15000$. C’est assez déstabilisant. Surtout quand les bus et camions que nous avions dépassés auparavant nous doublent à 80km/h, voir plus pour certains. Pour une fois, on ne se fait pas prier pour rouler doucement.

On en profite pour rechercher les animaux de part et d’autre de la route. Les premiers que nous apercevons sont les babouins installés sur la chaussée. Puis sur notre gauche, on commence à voir des girafes Masai. Leurs tâches diffèrent de celles des girafes que nous avions croisées en Afrique du Sud. Du côté droit, on observe des petits troupeaux de zèbres et derrière des buffles. En 1h de route, c’est déjà un bel aperçu, une vitrine du parc que nous allons visiter plus tard avec les parents de Valentin.

A la tombée de la nuit, nous sortons du parc et trouvons un endroit calme, non loin de la route, pour dormir. Encore un joli camping sauvage. Depuis que nous sommes arrivés en Tanzanie, nous retrouvons de grands espaces au milieu de la nature pour s’installer le temps d’une nuit ou deux. Un luxe que nous n’avions pas eu au Malawi où les lieux accessibles en véhicule sont tous habités. Les paysages changent au fil de notre périple vers Dar Es Salaam et ainsi notre jardin est différent chaque matin.

Un soir, juste après notre douche, deux jeunes hommes sont venus nous aborder. Chargés de la surveillance d’un chantier non loin, ils cherchent de la compagnie pour la soirée. Ils proposent un jeu de cartes mais nous passerons finalement l’heure à discuter. Au petit matin, nous les retrouvons à leur poste. Nous partageons un dernier moment avec eux autour d’un thé avant de repartir pour Dar Es Salaam.

Dar es Salaam, notre seconde capitale économique depuis notre départ

En fin de semaine, nous atteignons la capitale du pays. La différence de climat se fait vite ressentir. Le soleil chauffe l’air de l’océan indien et la ville goudronnée et bétonnée conserve la chaleur. La circulation est dense. Nous commençons par faire de multiples lessives qui prennent plus de temps que prévu. On s’engage enfin dans le centre de cette grande ville à l’heure de pointe. En ce vendredi soir, début de week-end, nous passons 30min pour faire 1km dans une rue chargée. La journée commence à être longue et éprouvante, la chaleur n’aidant pas. Les grands immeubles qui s’élancent dans le ciel nous frappent particulièrement. Après plusieurs mois en Afrique, nous n’avons plus l’habitude de voir de telles infrastructures. 

Nous avons repéré un petit hôtel local au prix défiant toute concurrence avec un parking sécurisé. C’est un point important car nous comptons y laisser notre van pendant notre séjour à Zanzibar. Pour le rejoindre, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Tout d’abord, le GPS nous mène à la mauvaise destination. Nous arrivons dans la bonne rue après 3km de bouchons supplémentaires. Dernier obstacle, la route est barrée 20m avant le portail d’entrée. Laurène continue à pied pour vérifier les prix et le parking. Tout est Ok. Elle revient avec le gardien pour nous guider dans les étroites ruelles jusqu’à l’entrée de derrière.

C’est la première fois que nous dormons à l’hôtel depuis que nous voyageons avec Uyo. Sur Dar Es Salaam, les campings sont deux fois plus chers et loin du port de départ pour Zanzibar. En entrant dans la chambre, quelle belle surprise de découvrir la clim. L’endroit est propre avec une petite salle de bain. On n’en demandait pas tant. Le seul inconvénient, c’est le bar animé juste en dessous de la fenêtre. Le soleil se couche sur les toits de la ville et la musique commence déjà à retentir. Quitte à devoir cohabiter avec le bruit autant être de la partie et se joindre à la fête. Demain, nous avons une journée de repos et shopping avant d’embarquer pour Zanzibar le dimanche midi.

Le quartier n’est pas touristique. Au bar, nous rencontrons uniquement des locaux. On s’attache à goûter toutes les bières locales et découvrir nos favorites. Tous ces mélanges de bières surprennent Beatus, notre voisin de bar. Originaire de la région du Kilimanjaro, il a grandi ici et travaille dans l’import export de cultures telles que les noix de cajou. À 31 ans, il est jeune papa. Il revient d’une semaine en famille à Zanzibar. Le courant passe bien et il nous présente à son ami Isaac qui le rejoint. Lui est chauffeur. Il est fier de nous dire que dans son temps libre, il pratique la danse et la natation.

Les deux amis nous embarquent dans les petites ruelles du quartier pour se joindre à une petite fête en l’honneur du mariage de leur ami. La vraie célébration sera dimanche, nous assisterons à l’avant soirée. Il y a de l’ambiance, un animateur au micro donne le rythme de la soirée. Les femmes dansent sur une petite place entre les maisons aux toits en tôle. Les hommes répartis tout autour regardent. Les petits magasins du coin vendent des bières. Les festivités se poursuivent ensuite au bar derrière notre hôtel. Laurène est invitée à danser avec les femmes qui trémoussent leurs fesses au rythme de la musique. Ca remue le bassin dans tous les sens et j’ai bien du mal à suivre le mouvement. Il me faudra encore un peu d’entrainement. Fatigués, nous ne faisons pas long feu une fois minuit passé.

Le surlendemain, alors que notre van reste à l’hôtel, nous prenons un Uber pour nous rendre au ferry. Sur la route, nous discutons avec notre chauffeur Anthony. Interloqués par son anglais parfait et élaboré, on le questionne sur sa vie. Diplômé d’un bac+5, Il était ingénieur en IT dans une banque chinoise. L’antenne de Dar Es Salaam a fermé suite à la crise du Covid. Depuis, il est très difficile de retrouver un emploi, même en étant autant qualifié et expérimenté. Nous savons que son profil est très recherché en Europe. On prend conscience un peu plus des difficultés que rencontrent les gens en Afrique.

Ça y est, nous arrivons au port. Valentin est heureux à l’idée de revoir ses parents dans une semaine. Après 4 mois sur la route, ils lui manquent. Nous sommes excités par cette escapade à Zanzibar qui sonne comme des vacances.

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