« Du 6 au 11 Septembre 2022 »
Vers la frontière Angolaise
Nous sommes en route pour le nord du pays, à la frontière de l’Angola.Nous arrivons à Opuwo, la dernière « grosse » ville de la région. Dans un milieu désertique, où la poussière vole au gré du vent, nous découvrons un décor de far west revisité. La ville est un mélange de bâtisses précaires en tôle et de bâtiments en béton. Des carcasses de voitures rouillées côtoient les 4X4, brillants au soleil, des plus aisés ou des touristes. Dans l’hypercentre, deux supermarchés se font face, Spar et OK food. Nous savons que c’est ici que nous devons faire le plein de nourriture car nous ne trouverons aucune supérette dans les prochains jours.
Opuwo est aussi un melting pot en terme de population. Des citadins, des tribus Herero et Himba. Les himbas sont à l’image que l’on se fait à travers l’émission de télévision “Rencontre en terre inconnue”. Leur culture est restée encore très préservée. Jusque dans les années 1992, il fallait un permis spécial pour rentrer et sortir de la région du Koakoland, où les Himba vivaient. Cette loi avait pour but de protéger l’économie des fermiers blancs et éviter que le bétail des Himbas ne concurrence pas celui des colons.
Les femmes Himba sont connues pour leur coiffe. Elles ont les cheveux longs coiffés en dread lock et enduits de terre rouge tout comme leur corps. La pâte est réalisée à base de poudre de roche rouge et de la graisse animale. Alors que l’intérêt est esthétique pour leurs cheveux, cet enduit protège leur peau du soleil. Elles portent de nombreux bijoux aux poignets, aux chevilles et autour de la nuque, au dessus de leur poitrine dénudée. Nous en croisons plusieurs, fidèles à cette description, dans les rayons du supermarché. Le chocs des cultures entre le monde « moderne » de la surconsommation et ces femmes dans leurs habits traditionnels nous font penser au film un indien dans la ville. Pourtant, à Opuwo, maintenant que l’occidentalisation s’est invitée au milieu des tribus, cela fait parti du quotidien.
En route pour Epupa
180 kilomètres séparent les chutes d’Epupa d’Opuwo. Nous sommes subjugués par les paysages qui varient au cours de la route. Tantôt le désert laisse place à une oasis de verdure. La route traverse une concentration verte de palmiers, et d’arbres feuillus en tout genre. Tantôt le désert prend une troisième dimension avec des collines et amas rocheux qui encadrent la route. À l’horizon, de belles montagnes couvertes d’arbustes dessinent des courbes harmonieuses entre ciel et terre.
À l’approche d’Epupa, la beauté de la route vallonnée finit par nous faire oublier les secousses répétées de la route striée. Cette région nous fait beaucoup penser à Turkana au Kenya (cf. Article 16 Turkana, le plus grand lac alcalin du monde et ses tribus). Les tribus vivent dans un endroit reculé aux conditions difficiles. Au bout d’une piste sèche, se trouve un oasis; ici la rivière Kunene et au Kenya, le lac Turkana.
Les Himba sont des nomades et il n’est pas rare que nous trouvions des villages abandonnés ou non occupés. Nous prenons une petite route à gauche qui passe non loin de villages Himba. Nous traversons encore de magnifiques paysages sur une petite route de terre. Nous finissons par arriver dans un désert. Il n’y a plus aucune habitation et un terrain plat pour nous accueillir au milieu des montagnes rocheuses. C’est ici que nous dormirons ce soir.
Petit point culturel
Les prochains jours, nous avons la chance de faire de belles rencontres. Notamment Pius, qui a notre âge et parle très bien l’anglais. En plus de nous en dire plus sur la culture Himba, il nous enseigne quelques mots pour pouvoir saluer les locaux :
- Okuhepa = Merci
- Moro = Bonjour
- Metar = Bonjour après midi
- Kwenda = Bonsoir
- Kili vi ? =Comment vas-tu ?
- Kili nawa ? = Je vais bien
- Ewa = Oui
- Ove Oune ? = Comment tu t’appelles
Pius nous sert d’interprète pour échanger avec les gens de son quartier et mieux comprendre leur mode de vie. De notre côté, on raconte notre voyage par la route depuis bientôt 1 an.
Le mariage
Le mariage chez les Himba et les relations amoureuses sont bien différentes des nôtres :
- Seul le mariage permet à un père d’être reconnu comme responsable de ses enfants.
- Un homme peut se marier autant de fois que son argent le lui permet. Il est commun d’avoir 3 femmes. Le premier mariage doit se faire avec une petite fille. Ainsi elle devient en quelque sorte la femme promise. Lorsque qu’elle a atteint la puberté, elle est considérée comme femme . Elle quitte alors sa famille pour aller vivre avec son mari. En attendant, on épouse souvent une deuxième femme déjà adulte. Ainsi, un homme enchaîne souvent deux mariages pour pourvoir se marier à la femme adulte de son choix.
- Le mariage se fait couramment au sein de la famille car il est difficile de convaincre les parents d’une fille d’un autre village. Par exemple une fille rencontrée à l’école à Opuwo.
- En dehors du mariage, il est courant d’avoir une petite amie même si celle-ci est mariée. Chez les Himba, il est possible d’avoir des relations et des enfants en dehors du mariage. Mais le père ne sera pas reconnu. Partir trop longtemps du village peut permettre aux autres de séduire sa femme ou petite amie qui reste dans l’attente.
Mode de vie
Les Himba vivent de l’élevage, comme les Maasaïs. Ils font paître leurs troupeaux, et les emmènent là où ils peuvent trouver un peu de verdure. Dans le passé, ils chassaient aussi mais cette pratique est devenue maintenant illégale sans permis. Ce sont les parents qui choisissent quels enfants envoyer à l’école et quels enfants former pour s’occuper des chèvres.
Uyo fait son cinéma
Nous sommes installés non loin d’un village et en fin de journée, trois jeunes enfants viennent à notre rencontre. L’un d’eux nous a déjà vu à l’école et a ramené ses copains. Ils sont curieux et veulent découvrir notre van. Après une petite présentation, il nous montre le téléphone et nous demande si on a des vidéos. On leur propose alors de regarder un film. Sur les trois films proposés, ils choisissent le première épisode de la série « Our Planet » qui présente plusieurs espèces animales venant des 4 coins du monde. Qui dit film dit pop corn. Valentin a le ventre qui gronde. À peine le film lancé, qu’il se lance dans la préparation du fameux maïs soufflé. En un rien de temps, la casserole se remplit. Les enfants sont ravis !
A la toute fin, Pius nous rejoint. Il est un peu déçu d’avoir loupé le film et nous demande si on en a un autre à proposer. On sait qu’il aime le foot donc notre choix se pose sur « Pelé, birth of a Legend ». On décale la table pour l’éloigner de notre espace douche. Pendant que le film démarre, on se relaie pour se laver, à l’abri des regards. Après une journée aussi chaude, ça nous fait le plus grand bien.
L’eau est rare dans cette région aride donc nous ne consommons que 1,5L chacun par douche. L’équivalent d’une grande bouteille dans laquelle nous avons percé des trous sur le bouchon. La saison sèche commence en juillet-août en conservant une certaine fraîcheur. A partir de septembre, les températures montent jusqu’en Décembre et déclenchent les première pluies. Les pluies sont moins intenses que par le passé. L’accès à l’eau se complique en saison sèche. Par exemple, le premier puit de l’école est déjà épuisé. Désormais il faut creuser très profond pour avoir de l’eau toute l’année.
Au fur et à mesure que le film progresse, plusieurs enfants se rapprochent. Ils nous regardent de loin, dans l’espoir d’entendre des bribes du film ou voir quelques images. Nous décidons alors de changer notre installation pour permettre à toute cette petite troupe de se joindre à nous. La plupart s’assied par terre, quelques uns sur nos sièges et une petite sur le genou de Laurène. Tous ne parlent pas anglais mais apprécient le film. Les passages de foot (assez récurent) ont le plus de succès. D’abord quelques petits sourires , puis ils se laissent aller à rigoler de bon coeur.
La rivière Kunene et les chutes d’Epupa
Nous continuons notre route en passant par les chutes d’Epupa et la rivière Kunene qui sépare la Namibie de l’Angola.
La route D3700 qui longe la rivière Kunene est l’une des plus panoramiques que nous avons eu la chance d’emprunter. Les collines s’enchaînent, laissant à chaque fois apercevoir un nouveau point de vue. Quelques petits passages 4×4 faciles la rendent plus excitante. Nous prenons le temps de nous arrêter sur la route pour bivouaquer et profiter de la fraîcheur de l’eau. Chaque soir, notre jardin éphémère est magnifique. Mais gare aux crocodiles !
Un soir, nous installons le camp au bord de la rivière. Nous commençons l’apéro, quand une famille est passée devant notre camp. L’homme venait pour poser des filets de pêche dans la rivière. Nous les avons invités à nous rejoindre pour partager une bière ensemble. Cette soirée à deux s’est transformée en un moment d’échanges et de partages improbable. C’est ce que nous aimons aussi dans ce voyage: les belles rencontres inattendues.