#16 Turkana, le plus grand lac alcalin du monde et ses tribus

#16 Turkana, le plus grand lac alcalin du monde et ses tribus

« Du 19 au 30 avril  »

Les retrouvailles des frérots 

Nous sommes de retour à Nairobi. Ce matin nous récupérons Nicolas à l’aéroport. Tous les feux sont au vert, on a fait le plein de courses et de carburant la veille. De son côté, il est bien dans l’avion et atterrira à Nairobi à 8h55.

Nous avons passé la nuit dans un camping à une demi heure de l’aéroport. Il est 8h10, Valentin enfile la clé dans le contact et nous voilà parti. Pas si vite, le portail à peine passé, nous ressentons de grosses secousses sur la route goudronnée. Rapidement, Laurène voit dans le rétroviseur qu’une de nos roues a crevé, l’arrière droite. C’est notre première crevaison du voyage et bien sur, il faut que ça nous arrive l’un des seuls jours où l’on a rendez-vous.

Ni une, ni deux, on s’active pour l’intervertir avec notre roue de secours stockée dans notre galerie de toit. On se gare sur le bas côté. Le terrain est un peu en pente mais ça devrait passer. Valentin détache la roue de secours cadenassée sur le toit. Échec ! La clé se brise dans le cadenas. Heureusement, il réussit à extirper le bout cassé et Laurène l’ouvre avec le double. Nous actionnons le cric bouteille qui soulève Uyo facilement. Une fois la roue crevée retirée, les choses se compliquent. Avec la pente, la nouvelle roue bien gonflée touche le sol avant d’arriver face au moyeu.. on sent qu’on n’est pas bien réveillés et qu’on essaye de faire les choses trop vite. Nous ferions mieux de nous poser pour prendre le temps de réfléchir. Le cric lui est à sa hauteur maximale. Pas le choix, il va falloir dégonfler le pneu pour qu’il passe. Nous avons un compresseur dans la voiture. L’opération se révèle un peu plus longue et compliquée que prévu. C’est avec 1h de retard que nous arrivons à l’aéroport. 

Il est 10h, Nicolas embarque à bord d’Uyo pour les deux prochaines semaines. Son premier stop sera au garage pour réparer le pneu crevé. Un garage que nous visiterons de nouveau à son retour pour changer un roulement arrière qui a du jeu. Nous avons prévu de partir découvrir la région volcanique et désertique de Turkana. Une roue de secours en bon état est indispensable pour partir serein sur les pistes rocailleuses qui nous attendent.

Petite expédition au lac Turkana

Nous en avons pris plein les yeux sur la route pour atteindre le Nord du pays.

Mais le trajet a été éreintant. La chaleur et l’environnement désertique n’ont pas aidé. Mais la véritable difficulté vient de la route. Tantôt il faut repasser en première pour franchir des zones rocheuses et trouver le passage le moins escarpé. Tantôt la piste semble plus roulante mais les stries en forme de tôle ondulée secouent le véhicule dans tous les sens. Vous ne serez donc pas surpris de savoir qu’il nous aura fallu 2 jours pour parcourir plus de 230km de tout terrain. 

Les paysages varient énormément sur les 200 derniers kilomètres. Ils ont pour point commun d’être relativement désertiques. Tout d’abord, la couleur du sable domine. Entre les roches et la terre de nombreux cactus s’épanouissent. Nous voyons nos premiers dromadaires. Puis nous retrouvons un peu de verdure avec les acacias. C’est à l’ombre de l’un d’eux que nous passerons la nuit. Nous sommes dans une cuvette à l’écart de la piste. Nicolas est parti faire des photos autour du campement. Laurène commence à installer la douche solaire extérieure. Quant à Valentin, il est parti armé d’une pelle et d’un rouleau de papier toilette à la recherche d’un bosquet. Mais rapidement, il voit du monde arriver. Un groupe de bergers mieux armés que lui avec leurs Kalashnikovs vient à notre rencontre.
Ce sont des Samburu, une tribu du Nord. Ils sont 8 de mémoire. En plus de leur dialecte, ils parlent le swahili. Nous commençons la discussion avec les quelques mots que nous connaissons. Puis Google translate vient à notre secours pour expliquer que nous souhaitions passer la nuit ici. Souriants, ils nous répondent qu’il n’y a pas de problème. Avant de repartir l’un d’eux s’approche du van et nous demande à manger. Un paquet de gâteaux fait l’affaire pour satisfaire tout le groupe.

À l’approche du lac Turkana, la route est très vallonnée. A chaque fois que l’on atteint le sommet d’une colline, un nouveau point de vue s’offre à nous. C’est en passant l’une d’elle que l’on plonge soudainement dans un univers lunaire vêtu de noir. Les volcans de la vallée du grand rift s’enchaînent sur la gauche. En face, l’intensité de l’eau bleu azur apparaît sous nos yeux ébahis. Nous entamons la descente jusqu’à la berge du plus grand lac alcalin du monde. C’est là que l’on retrouve la vie. Tout d’abord, deux chacals qui gambadent dans les pierres noires. Puis, un village comme nous n’en n’avons jamais vu auparavant. Il semble tout droit sorti d’une autre planète, d’un film de Star Wars, avec ses igloos du désert. Les tribus de la région vivent dans des petits dômes d’armature en bois ou métal, recouvert de tissus, ou végétaux séchés. Nous sommes à moins de 20 kilomètres de notre destination, Loiyangalani. C’est à Palm shade que nous installons le campement pour les prochains jours.

Les tribus du lac Turkana

Ce matin, nous avons envie de découvrir le village de Loiyangalani. Grâce à son oasis, c’est le plus gros village sur le bord de cette rive. La source d’eau permet aux arbres, rares dans cette région, de pousser.

Nous retrouvons aussi un grand mixage culturel. Cinq tribus y vivent en paix : les Turkana, majoritaires, mais aussi Samburu, les Relile, les Somali, et les El Molo qui vivaient avant sur South Island. Bien que certaines cultures diffèrent un peu, les tribus sont maintenant liées par le mariage.

Voici quelques anecdotes sur les tribus qui vivent dans ce village

  • Une femme Turkana coûte cher, 120 chèvres ou 16 dromadaires.
  • Les femmes portent un grand collier de multiples perles et couleurs pour indiquer qu’elles sont réservées à un homme.
  • Une fois la dote payée, elle porte des boucles en forme de feuille en haut de leurs oreilles. Puis une fois le mariage prononcé, le mari doit tuer un taureau. La femme intègre alors la tribu de son mari. Sans cette offrande, les enfants du couple ne pourront pas se marier à leur tour.
  • Les maisons en bois et pailles sont construites par les femmes. Elles coûtent environ 35 000 KSh (280€). Elles sont construites en forme de dôme pour protéger du vent fort dans cette région.
  • Les hommes dorment dehors et les femmes dans la maison avec les enfants.
  • Les femmes Turkana ont les cheveux rasés sur le côté et tressés finement sur le dessus de leur tête. Les Samburu, eux, rasent leur crâne entièrement.
  • Les femmes provenant d’une famille qui fait de la sorcellerie portent un collier vert et noir.
  • Seul ement certains des enfants d’une famille vont à l’école. Les jeunes doivent alors s’habiller de manière urbaine. Les femmes ne portent pas les colliers et choisissent leurs coiffures librement.
  • Les hommes peuvent avoir plusieurs femmes s’ils ont les moyens de payer les dotes.
  • Ils ont peur des photos. La croyance qu’une photo capture une partie de leur âme est encore très présente.

Après un tour très complet du village grâce à notre guide Lowoi, nous rentrons au camp pour préparer notre activité du lendemain. 

South Island, L’île aux crocodiles

Levés de bonne heure, nous retrouvons Lowoi. La veille, il nous a aidé à trouver un bateau, pour naviguer sur le lac et accéder à la grande île, que nous voyons depuis Loiyangalani. South Island est protégée par le Kenya wildlife et s’accompagne donc de frais d’entrée de parc. Aujourd’hui, comme souvent dans la région, le vent souffle fort et le lac est agité. Le capitaine est confiant et le bateau suffisamment imposant pour affronter les vagues. L’embarcation de bois est néanmoins très lourde et le petit moteur à l’arrière est mis à rude épreuve. Plus nous nous éloignons des côtes, plus les vagues déferlent. On ne reste pas sec bien longtemps. Loin de nous l’envie de nous plaindre, avec cette chaleur et sans ombre, c’est plutôt appréciable. Lowoi plus détendu que nous, roule et fume cigarette sur cigarette, quand elles ne se font pas mouillées. Il a déjà dépensé la moitié de notre avance de frais de guide dans du tabac. Nous mettons 1h à atteindre l’île déserte.

South Island n’est sûrement pas une île déserte telle que vous l’imaginez. C’est une île volcanique, rocailleuse de pierres noires, brunes et ocres. Le climat y est sec et chaud. De formation volcanique, elle est modelée par des montagnes et cratères. Leurs ascensions offrent différent points de vue sur la grande île de 10km de long et le plus grand lac alcalin au monde. L’autre côté de l’île, hors d’accès avec le vent fort, abrite une colonie de crocodiles dans la baie.

C’est la plus grosse population de crocodiles au monde . Elle est estimée à 14000 individus. Ils atteignent parfois des tailles records. Nous n’aurons pas la chance d’en observer sur notre rive, trop agitée en journée. Ainsi, nous en profitons pour nous baigner près du bord. Malgré tout, un peu craintifs connaissant les chiffres que je vous ai annoncés, mais rassurés par les locaux.

Au moment de repartir, l’île se veut un peu moins déserte. Six pêcheurs sortis de leur cachette sont venus nous voir. L’un d’entre eux veut rentrer sur la terre ferme. Ils étaient restés discret jusqu’à maintenant car ils sont dans l’illégalité. Rappelez-vous l’île est un espace protégé par Kenya wildlife. Les jeunes hommes restent sur l’île quelques semaines ou mois. Une fois qu’ils ont accumulé suffisamment de poissons, ils peuvent rentrer les revendre et ainsi nourrir leurs familles pour le reste de l’année. 

Le vent n’est pas tombé, le retour sera aussi épique que l’aller. Lorsque le bateau tangue nos esprits ne cessent de penser aux crocodiles. Les vagues de face ralentissent fortement notre progression et nous croisons les doigts pour qu’ils aient pris suffisamment d’essence pour rejoindre la côte. Nous avons tous remarqué qu’il n’y a ni rame ni pagaie. Pourvu qu’il ne tombe pas en panne! Pour éviter de rajouter une couche d’angoisse Valentin s’était bien gardé de dire que le gérant du camping s’inquiétait des conditions météo. Il avait conclu par « Mais si vous avez un bon capitaine ça ira ». Quoi qu’il en soit, nous sommes rentrés sains et saufs avant la nuit. Le soir, c’est épuisé que nous retrouvons notre lit dans Uyo.

Retour à travers le désert et les montagnes.

Nous souhaitons faire une boucle pour revenir au sud du pays. La piste est meilleure et les kilomètres se font un peu plus rapidement. Contrairement à celle de l’aller, nous croisons beaucoup plus de villages peuplés de Samburu mais sans armes cette fois-ci. En fin d’après midi, c’est au creux des montagnes dans la cambrousse, que nous établissons le camp pour la nuit. Les villages ne sont pas loin et les Samburu promènent leurs troupeaux de dromadaires dans le coin. Ils ne tardent pas à venir à notre rencontre un par un. La discussion se répète selon le même schéma. D’abord des salutations, puis des questions sur notre destination et pour finir l’approbation de notre présence pour la nuit. La barrière du langage nous empêche souvent d’aller plus loin. Néanmoins, notre dernier visiteur Jack apprend l’anglais à l’école.

Jack est un jeune adolescent de 14 ans. Il s’occupe actuellement des dromadaires de sa famille. Ils sont 3 avec son petit frère et sa petite sœur. Pendant une semaine, ils mènent leur troupeau de 30 dromadaires dans la nature. L’herbivore se nourrit essentiellement d’acacia comme les girafes. Jack aime notre van. Il parle un peu anglais et nous dit « I like this picture » en parlant de nous devant le van, avant de rajouter « I love this car ». Il nous observe cuisiner et pose des questions sur chaque ingrédient. Ce soir, c’est pizza et pâte. Les pâtes, il connaît bien. Il en mange de temps en temps contrairement à la pizza. Champignons, fromage et poivrons lui sont inconnus. Il lit tous les emballages pour apprendre le nom des aliments en anglais. Pour les produits frais, on lui écrit les noms dans la terre avec son bâton de berger.

La nuit tombante nous pousse à rentrer dans le van. Jack repart. Des hyènes rôdent dans le coin. Même si elles représentent essentiellement une menace pour le bétail, il faut rester prudent.

Le lendemain matin, l’adolescent est de retour avec de la compagnie. Nous partageons notre petit déjeuner avec 5 Samburu. Les pancakes et le thé sont très appréciés, surtout avec une bonne dose de sucre. Avant de repartir, nous allons voir un troupeau de dromadaires. Les animaux poussent des cris semblables aux dinosaures des films Jurassic Park. Ils n’apprécient guère le lavage de dents infligé par leurs maîtres.

Plus nous nous rapprochons de la route goudronnée, plus la piste se complique. Les stries sont plus nombreuses et des bruits venant de l’avant droit d’Uyo s’amplifient. Avant notre expédition vers le Nord, nous commencions à entendre des claquements encore très légers, mais les centaines de kilomètres de piste les ont accentués . Nous faisons quelques détours dans le sable, pour éviter la route en mauvais état.

Les difficultés s’intensifient, alors que nous pensions bientôt arriver sur le tarmac, nous voilà bloqué par une rivière. Un camion s’est embourbé la nuit dernière en essayant de prendre le passage de rivière boueux. Nous offrons de l’eau et des gâteaux aux passagers qui sont bloqués en attendant l’aide qui arrive. Avec eux, nous partons à la recherche d’un passage où le lit de la rivière est moins profond. Nous trouvons un chemin qui nous semble technique mais notre pilote Valentin devrait pouvoir passer. Au commande d’Uyo, Valentin se met en première et traverse le passage, créant alors une grande gerbe d’eau et un nouveau sillon. La petite piste 4×4 pour retrouver la route principale nous semble bien simple après ça. De retour sur les routes goudronnées, notre prochaine étape est de redescendre au sud du pays pour visiter Amboseli. Ce parc national se situe au pied du Kilimandjaro.

Cet article a 7 commentaires

  1. DUCHAUFOUR Hervé

    Superbe reportage ! Bravo et merci
    Hervé

  2. Claude

    Bravo pour la narration, le visuel et le calme face à des hommes armés.
    Je pense que dans ces contrées, j’aurais un peu peur que des guerriers m’assaillent.

  3. Mercier Anny

    Un beau et long récit que j ai bcp apprécié et qui donne envie de continuer à vous lire. Différent des vidéos et je préfère presque. Soyez prudents surtout

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