« Du 31 Mai au 7 Juin »
La forêt de Kalinzu
L’ouest de l’Ouganda est très sauvage. Au sud, la savane laisse place aux forêts tropicales. Des forêts qui s’étendent jusqu’au Congo en passant par le Rwanda. Aujourd’hui, nous allons vers la forêt de Kalinzu et son centre de recherches sur les animaux endémiques.
Arrivés au camping du centre, nous profitons de notre après midi pour travailler un peu. Ce soir, nous sortons notre 16ème article, il faut donc finir les retouches photos et les mettre en ligne. Très vite, le temps change. Nous sommes en fin de saison des pluies. Dans cette région humide, il pleut quasiment tous les jours. C’est d’ailleurs pour cela que la végétation est aussi verte et luxuriante. Nous remballons hâtivement nos affaires pour nous installer dans Uyo. Notre petit cocon nous protège de toutes les intempéries.
Au petit matin, le soleil a remplacé la pluie. Les feuilles des arbres qui nous entourent sont encore mouillées et la terre humide. La journée commence bien. Nous rencontrons Nicolas, notre guide pour la randonnée. Cette balade est un peu spéciale. Nous avons l’espoir d’apercevoir des chimpanzés. Quatre familles peuplent la forêt de Kalinzu. Toujours en mouvement, ils ne sont pas simples à suivre. Nous croisons les doigts pour en rencontrer un ou deux. Une fois les instructions données, nous nous enfonçons dans la forêt dense. La terre encore humide est glissante, il faut être vigilant. Cependant, il n’est pas simple de se concentrer ainsi sur ses pieds lorsque la forêt est d’une telle beauté. Elle possède d’innombrables variétés de plantes, de grands arbres dans lesquels s’emmêlent lianes et plantes grimpantes. Quelques rayons de soleil traversent les épais feuillages et font briller les gouttes d’eau sur les feuilles. Il en ressort un côté féerique. En cette matinée ensoleillée, les couleurs sont vives, offrant une grande déclinaison de vert, mais aussi de jaune et de rouge avec les fleurs écloses.
Après une heure de marche, nous entendons plusieurs cris. Pas de doute, ils proviennent de chimpanzés. Nous commençons alors à sortir du chemin principal, pour nous enfoncer plus profondément dans la forêt. Nous découvrons un beau spectacle. Nous voyons, tout d’abord, deux chimpanzés dans un arbre. Puis, un troisième et un quatrième apparaissent devant nos yeux. Certains se reposent, d’autres se balancent de branches en branches à la recherche de fruits. Tous restent perchés en haut de la canopée. Nous nous tordons le coup dans l’espoir de les voir descendre et nous rejoindre au sol, mais malheureusement ils en ont décidé autrement.
Le lac Bunyonyi
Notre dernière destination du pays est le lac Bunyonyi. Formé de 3 bras, le lac regorge d’îles. Il est difficile d’imaginer que ses profondeurs s’enfoncent 900 mètres sous la surface de l’eau.
Nous avons rendez-vous avec Kagi à Kabale, la dernière grosse ville avant le lac. Nous l’avons contacté de la part de Roukia sa compagne. Dès nos premiers jours en Ouganda nous l’avions rencontrée au campement des chutes de Sipi (cf. Article 18 Au fil de l’eau en Ouganda : des chutes de Sipi à la source du Nil)
Elle et Kagi possèdent un terrain sur une colline du lac Bunyonyi. L’endroit idéal pour nous accueillir avait-elle dit. Après avoir travaillé à Londres, ils sont tous les deux revenus au pays. L’agitation citadine et l’individualisme leur pesaient trop. Ici, ils défendent l’environnement à travers « The Fig Tree ». Leur principal combat est la préservation des arbres ancestraux, tel que le figuier africain. Autrefois considérés comme sacrés, ces arbres parfois centenaires, sont trop souvent coupés. Les raisons sont multiples, combustible pour le feu, urbanisation, etc… C’est sur la piste vallonnée qui mène au lac que Kagi a commencé à nous raconter cette histoire.
Arrivés à destination, Kagi descend du van pour nous ouvrir le portail. Au delà, une pente raide mène au jardin. Le terrain est en pente, nous garons Uyo sur la partie terrassée du jardin. Dans le prolongement, une cuisine extérieure a été construite avec des matériaux de récupération. Au fond une maison de briques, rudimentaire, abrite une chambre et une douche au seau. Il n’y a pas de point d’eau courante. Les toilettes sont sèches. L’eau de pluie est récoltée aux coins des toits. Pour ce qui est de l’eau courante, il faut marcher un peu pour remplir des bidons, dans un point d’eau potable du village. Le jardin est bien entretenu, très vert, fleuri et arboré. C’est Dany qui s’en occupe. Il vit ici depuis 7 ans et s’occupe de l’entretien de la parcelle. Un chemin à travers leur terrain descend jusqu’au lac. C’est une petite forêt comestible. Nous retrouvons des bananiers, des fruits de la passion, des arbres à tomates, des ignames, du dodo et d’autres plantes à feuilles. Nous découvrons un nouveau fruit, l’avocat concombre. Ce fruit pousse sur un arbre. Il a une forme d’avocat mais un goût et une texture proche du concombre. Il peut se consommer cru ou cuit.
Nous sommes à moins de dix minutes à pied du cœur du village. Il n’y a pas beaucoup de magasins dans ce petit centre ville. On remarque l’enseigne MoreenFashion écrit à la peinture sur un morceau de bois. C’est un atelier de couture. Moreen est la seule couturière, mais elle est accompagnée de plusieurs femmes. A part celle qui s’occupe de notre commande, les autres semblent être là pour participer aux discussions et aux commérages. Dans la boutique, nous repérons quelques modèles de robes mais aucune ne ressemble à celle que je souhaite. Avec quelques images et beaucoup de gestes, je tente d’expliquer ce que je veux. Pas simple… Je commence à douter, le style de robe que je veux n’est pas courant et Moreen ne parle pas anglais. Je prends alors un stylo et un crayon pour dessiner la robe et tout de suite ses yeux s’illuminent. Elle a compris . Elle commence à prendre mes mesures et me confirme que c’est bon. Pas beaucoup plus rassurée, je laisse le tissu dans l’espoir que deux heures plus tard celui-ci ne soit pas gâché sur une robe importable. Finalement le résultat est là. Je me réjouis !
De retour chez Kagi, Il nous présente son ami Johnson. Il travaille dans le tourisme pour la communauté. Il nous propose une excursion en bateau à la journée, pour aller découvrir le lac Bunyonyi et rencontrer les Pygmées qui vivent sur une autre rive.
Une rencontre avec les Pygmées d’Ouganda
Les Pygmées sont l’une des dernières tribus de chasseurs cueilleurs encore vivantes aujourd’hui. Malheureusement, ils n’ont plus la possibilité de vivre selon leur culture et perdent peu à peu leur grande connaissance de la forêt. En effet, il y a maintenant vingt ans, le gouvernement les a expulsés de la forêt, classée maintenant comme parc national. Les motivations étant la protection de la forêt et de la population de gorilles. Une solution de facilité pour développer un tourisme lucratif. Un permis de 3h pour voir les gorilles coûte 700€ par personne.
Privés de leur habitat naturel, les Pygmées ont du changer leur mode de vie et apprendre la sédentarité. Ils ont construit des maisons, appris à cultiver leur nourriture et élever le bétail.
Nous avons eu la chance d’échanger avec la doyenne du village qui a vécu cette transition brutale. Elle déplore la disparition de leur savoir sur les plantes de la forêt. Loin de celle-ci, transmettre aux jeunes générations est devenu compliqué… Elle se souvient aussi des débuts de la sédentarité. Elle avait beaucoup de mal à dormir lorsque la pluie ricochait sur les toits en tôle de sa nouvelle maison. Néanmoins, ils sont heureux d’avoir accès au système d’éducation et se plaisent aussi dans leur nouvelle vie.
Au retour, Jonson nous propose de venir dîner chez lui. Il vit en face de notre rive, à seulement cinq minutes en bateau. Nous acceptons avec plaisir et nous donnons rendez-vous au port à 19h30. Nous sommes accueillis par Jonson et sa femme. Elle nous a cuisiné du Matooke en purée (banane plantain) et une délicieuse sauce aux petites aubergines et cacahuètes. Tout provient de leur jardin. Comme la quasi totalité du pays, chaque famille a sa petite parcelle pour faire pousser des fruits et légumes et nourrir la famille. On y retrouve beaucoup d’haricots rouges, des bananes (surtout plantains) et des petites aubergines jaunes plus amères que les nôtres.
Le lendemain, pour observer le lac sous une nouvelle perspective, nous sortons le kayak. Lors de notre séjour à Kampala chez Isaac (cf. Episode 18 I Wage Farm – Il redonne le pouvoir aux femmes avec à un modèle économique rentable), il nous avait conseillé d’aller voir un lodge sur une île. Il est tenu par Silas, un ami à lui. Nous pagayons cinq kilomètres pour aller voir s’ils servent les fameuses écrevisses du lac pour le déjeuner.
Une petite heure plus tard, nous partageons une assiette d’abdomens d’écrevisses frits. C’est plein d’énergie que nous repartons sur la lac. À peine quelques coups de pagaie plus tard, nous rencontrons un pêcheur. Il nous montre fièrement ses pièges à écrevisses. Ce sont des paniers en osier avec une entrée conique que le crustacé ne peut traverser que dans un sens. Nous lui en achetons une cinquantaine encore vivantes, pour cuisiner ce soir.
En kayak nous pouvons nous approcher très près des oiseaux sans qu’ils ne prennent peur. L’eau lisse dédouble leur silhouette tel un miroir. Dans les marécages, nous tombons face à un couple de grues royales. C’est le symbole de l’Ouganda. On le retrouve dessiné au centre du drapeau national 🇺🇬.
Aussi bien installés et accueillis nous avons passé une semaine au bord du lac. Nous sommes en juin depuis une semaine, et en Ouganda depuis un mois. Il est temps pour nous d’aller au Rwanda. Kigali, la capitale, est à moins de 3 heures de route.