« Du 7 au 18 Juin »
L’arrivé à Kigali
Nous venons d’arriver à Kigali, capitale du Rwanda. Le passage de frontière n’a été qu’une simple formalité. Nous avons passé plus de temps à manger dans le van, sur le parking et utiliser nos données internet restantes, que dans les bureaux de l’immigration et des douanes.
Le Rwanda étant un petit pays, nous parvenons rapidement à Kigali. Nous comprenons vite son surnom de pays aux mille collines. La route serpente entre ces petits monts qui s’enchaînent. Ces derniers sont couverts de cultures, pas étonnant lorsque l’on connaît la densité élevée du pays. C’est seulement à l’entrée de Kigali que nous sommes ralentis par le trafic. Cela nous laisse le temps de mieux observer les rues. Contrairement aux autres grandes villes d’Afrique de l’Est que nous avons visitées, Kigali est très propre. Il n’y a pas un déchet qui traîne dans le caniveau. De ce que nous avons pu lire, les plastiques à usage unique ont été interdits. La loi est accompagnée d’une sévère amende (50$) pour quiconque jette un déchet plastique dans la nature. Par ailleurs, cette ville est dotée d’infrastructures modernes. Le Rwanda est le pays d’Afrique qui s’est le plus développé ces dernières années et il continue sur sa lancé.
Nous sommes curieux d’en apprendre plus sur les raisons qui le permettent. À notre connaissance, ce petit pays possède peu de ressources naturelles à la différence des ses voisins.
Le palais du roi
Nous partons arpenter les routes du pays vers le sud, direction Butare. Le palais du roi est situé à Nyanza. Il a été construit par les colons en 1930. Aujourd’hui restauré en musée, nous apprenons que le roi était nomade. Puis avec la colonisation il s’est sédentarisé et installé dans le palais.
Le roi habitait dans une hutte similaire à celles du peuple, si ce n’est qu’elle était plus grosse et que trois pics sur la toiture de paille la différenciait. Cette hutte était entourée d’une quinzaine d’autres qui avaient toutes une fonctionnalité particulière pour satisfaire le roi : conservation du lait, fabrication de la bière, hébergement du guérisseur,…
Nous rencontrons les vaches royales. Ces vaches aux cornes sans fin sont sacrées et seul leur lait est consommé.
Au début du 20ème siècle, les allemands ont dans un premier temps colonisé le Rwanda qui a ensuite été cédé aux belges au lendemain de la seconde guerre mondiale. Pour contrôler le pays, les colons se sont d’abord tournés vers les Tutsi qui étaient à cette époque, la classe riche. Une personne avec plus de 10 vaches était un Tutsi, avec moins, un Hutu. La division ethnique a été inventé par les colons au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Le roi de l’époque, Tutsi de part son statut social, n’a pas apprécié l’arrivée des étrangers. Face à la pression des colons, il fût obligé de fuir. C’est son fils qui lui a succédé en acceptant la religion apportée d’Europe : le catholicisme.
Les colons n’ont tout de même pas réussi à gérer le pays en toute liberté, à cause de nombreux désaccords avec les Tutsi. Ils se sont alors rapprochés des Hutu, majoritaires dans le pays. L’église et le gouvernement colons n’ont eu cesse d’imposer de nouvelles normes, règles et idéologies au sein de la population locale.
Les cartes d’identité mentionnant l’ethnie ont été instaurées. Pour ceux dont l’ethnie était difficile à définir, la taille du nez était utilisée. Selon les colons, les Tutsi étaient élancés avec des petits nez. Les Hutu étaient petits avec un gros nez. Certains Tutsi ont échappé à la mort grâce à leur gros nez et vis-versa. La monnaie est aussi arrivée avec les colons. C’était la monnaie coloniale. De cette manière, les colons tentaient de diriger le pays au même titre que le roi.
Une histoire poignante
La visite du mémorial de Murambi sur le génocide Tutsi au Rwanda est bouleversante. Pour revenir un peu sur l’histoire, la haine Hutu envers les Tutsi a été influencée par les colons. C’était un levier de division pour mieux contrôler le pays. De 1959 à 1994, de nombreuses tensions ont pris forme entre les « ethnies ». Les discriminations ont entraîné, au cours des années, des tueries de masse envers les Tutsi.
Pour en savoir plus, à la fin de cette article, nous revenons sur les faits marquants de cette période pas très drôle.
Le lac Kivu
L’ouest du Rwanda est bordé par le lac Kivu. Il fait office de frontière naturelle avec la République Démocratique du Congo. Nous l’avons rejoint par le sud en traversant la forêt de Nungwi. À l’entrée de la forêt, les collines de cultures de thé s’effacent en lisière des arbres. Nous passons la nuit sur l’une d’elles. A l’horizon, la forêt dense s’éternise.
Le lendemain, nous serpentons sur la route à travers ce dégradé de verts. Pas d’autre voiture en vue. Néanmoins, nous ne sommes pas seuls. Nous croisons une nouvelle espèce de singe rare, le Cercopithèque de l’Hoest qui vient allonger la liste de ceux que nous avons vu depuis huit mois. Autre espèce plus connue, l’homme, le militaire. À interval régulier, des petites patrouilles de deux soldats, avec casque et arme en bandoulière, marchent le long de la route. Ils surveillent les routes de la région proche de la RDC. La relation entre les deux pays est un peu tendue ces derniers temps. Des affrontements ont lieu entre la RDC et le M23 qui a repris les armes récemment.
Virage après virage, colline après colline, le panorama commence à changer. Nous retrouvons les cultures et petits villages, jusqu’à apercevoir le lac. Nous rejoignons l’étendue d’eau pour nous installer sur la berge. L’emplacement appartient à un lodge perché sur les hauteurs du lac. En bas, ils ont un bar les pieds dans l’eau, au sens propre du terme. Les petites tables rondes, abritées de parasols rouges, s’étendent jusqu’à l’eau en bordure de plage. C’est le début du week end, les locaux viennent ici boire un coup et se baigner. Ils servent également de la petite friture du lac que nous goûterons demain.
L’eau est bonne, nous avons pris l’habitude d’aller nager chaque matin. Le dernier jour, nous allons un peu plus loin jusqu’à l’île que Valentin avait visitée en kayak. Notre dernier jour, nous photographions beaucoup d’oiseaux. La veille, le film la panthère des neiges nous a inspiré. Depuis nous prêtons encore plus attention à la formidable vie sauvage qui nous entoure.
Nous continuons notre séjour à Kibuye plus au nord, au milieu du lac où celui-ci s’élargit. Ici aussi, les oiseaux sont bien présents. Un milan vit dans l’arbre au dessus de nous. Chaque matin, nous retrouvons les mêmes oiseaux aux mêmes endroits. Le martin-pêcheur sur sa branche, la perruche qui vient nourrir le nid, le colibri qui se délecte des fleurs sucrées. Notre emplacement offre une vue splendide sur le lac. Des monticules arborés forment de nombreuses îles. Au coucher du soleil tout devient doré. Les pêcheurs dans leur canoë se préparent pour la nuit, les cormorans rentrent du large et nous, nous passons en cuisine.
Le matin, il faut monter tôt sur l’eau pour faire du kayak sur un lac d’huile. Dès que les rayons du soleil commencent à chauffer l’eau, le vent se lève, les vagues arrivent et les oiseaux s’en vont. C’est la fin de la poésie jusqu’au soir. L’occasion aussi pour nous de marcher jusqu’à la ville de Kibuye à quatre kilomètres. Le marché se situe dans un grand bâtiment en béton, jaune et bleu, ouvert sur l’extérieur. Les 3 étages regroupent tous types de vendeurs, chaque petite boutique a sa spécialité. Nous nous intéressons aux tissus des couturières, et aux fruits et légumes.
L’histoire de 1959 à 1994 et le mémorial de Murambi (pour les plus courageux)
Depuis 1959, une propagande est mise en place pour déshumaniser les Tutsi, révolter les Hutu et préparer le génocide. A l’époque, beaucoup de Tutsi ont fuit dans les pays limitrophes. Après quelques années d’apaisement, en 1975, le Rwanda obtient son indépendance sans utiliser les armes contrairement à ses pays voisins.
Le gouvernement répand l’idéologie que les Tutsi nuisent au bien être des Hutu tels « des serpents dont il faut couper la tête en toute impunité ». Il réussi avec l’aide des médias et de l’église à transformer la population en tueurs.
En 1993, les accords de paix d’Arusha, sont signés, poussés par les pays voisins dans le but de mettre fin aux attaques. La nuit du 6 au 7 avril 1994, l’avion qui transportait le président Hutu est abattu. Les Hutu accusèrent alors les Tutsi et le génocide commença aussitôt. Ce n’était qu’une excuse pour passer à l’acte de manière plus légitime. En cent jours de génocide, plus d’un million de personnes ont été assassinées. La communauté internationale était informée de ce projet mais ne souhaitait pas s’impliquer et prendre partie dans cette « guerre éthnique » (mot employé pour minimiser l’importance de l’évènement).
Le mémorial de Murambi, au sud du pays, a été construit sur les ruines d’une école inachevée. Située sur une petite colline, c’est ici que les autorités locales ont regroupé tous les Tutsi sous prétexte de les protéger. Rapidement, ces 50 000 personnes ont été coupées d’eau et de vivre, pour être affaiblies avant de subir un génocide planifié. Le 21 avril 1994, de 3h à 12h, ils sont tués, par les locaux manipulés, à l’aide de machettes et outils d’agriculture. Ils frappaient à la nuque pour « couper la tête du serpent ».
Des fosses sont creusées au bulldozer pour cacher le massacre le plus rapidement possible. Cette école ne fut pas choisie au hasard. Surplombées de collines plus hautes, seulement deux personnes ont réussi à s’enfuir sans être vues.
Par la suite, lorsque la légion étrangère française est intervenue, c’est ici qu’elle a établi le siège de son opération turquoise. Officiellement, l’opération est mise en place pour mettre fin au génocide déjà bien entamé depuis 3 mois et protéger les survivants. Jusqu’ici, la France avait fermé les yeux en soutenant le régime qui l’orchestrait.
Officieusement, les troupes sont là pour soutenir le gouvernement et repousser le FPR, groupe armé de Tutsi, qui combat l’armée Hutu pour mettre fin au génocide. Le FPR, attaquant depuis l’Ouganda anglophone, regroupe les Tutsi réfugiés depuis les années 1959. La France craint la perte stratégique d’une influence française, quoi qu’il en coûte pour les populations locales. Entre 1990 et 1994, on estime que les français ont aidé l’armée Rwandaise à passer de 5000 à 50000 hommes armés. Même si elle a aidé à sauver des Tutsi dans certaines regions, la légion étrangère française a couvert la fuite des responsables.
Nous terminons le tour du musée par le plus difficile; la visite des chambres où sont conservés dans la chaux, des centaines de corps de victimes, pour ne pas oublier. Environ 50000 autres, reposent toujours à coté du bâtiment dans la fosse commune. C’est avec amertume que nous apprenons que les soldats français occupaient leurs après-midis en jouant au volley sur l’une de ces fosses communes encore chaude de cadavres en décomposition. La nuit, certains soldats n’hésitaient pas à violer en groupe des rescapées Tutsi pourtant placées sous leur protection.
Aujourd’hui, les responsables et meurtriers du génocide on été jugés et continuent de l’être lorsqu’on les retrouve. Néanmoins, beaucoup se cachent encore dans l’Est de la RDC. La Belgique et les États Unis ont exprimé leurs excuses et le regret de ne pas avoir agi, fermé les yeux sur le génocide. Néanmoins le gouvernement Français fidèle à sa réputation de ne pas admettre ses erreurs, laisse une plaie encore ouverte. En 2022, elle ne s’est toujours pas excusée officiellement. Lors de sa visite en 2021, Emmanuel Macron a reconnu pour la première fois que la France avait ses parts de responsabilité. C’est un premier pas, néanmoins il n’a pas présenté d’excuses officielles.
Nous sommes écœurés de savoir que les violeurs Français de la légion qui avaient l’âge de nos parents n’ont jamais été jugés et continuent leur carrière dans l’armée.
Aujourd’hui, en sortant de ce musée, être français n’est pas une fierté, nous en avons presque honte…