#22 La reconstruction du Rwanda

#22 La reconstruction du Rwanda

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« Du 18 au 27 Juin »

La nuit dans la paroisse 

Après une semaine de détente sur les bords du lac Kivu, nous reprenons la route pour rejoindre Kigali. La nuit commence à tomber et nous ne savons toujours pas où nous allons dormir. Les virages s’enchaînent mais la route est toujours bordée d’habitations. Difficile de trouver un petit espace caché des locaux. C’est alors qu’au détour d’un virage, nous voyons une belle et grande cathédrale. Elle semble éclairée. Laurène saute en dehors du van, pour aller à la rencontre du prêtre et lui demander l’hospitalité. Nous rencontrons le Père Jean D’amour qui dirige la paroisse, il nous reçoit les bras grands ouverts. Il est très content de rencontrer des français. Il a vécu 3 ans à quelques heures de Paris durant sa formation, il en garde de très bons souvenirs. Il parle parfaitement notre langue.

Il est dimanche, nous nous réveillons d’une douce nuit. Invités par le prêtre à l’une des deux messes matinales, nous prenons part à celle de 10h où plusieurs baptêmes sont célébrés. Nous nous sentons observés. Depuis que nous sommes assis, la moitié des paroissiens nous regardent. En Afrique, il n’y a pas de gêne à observer les gens. Même en soutenant leurs regards, ils continuent de nous épier. La proximité n’y change rien. Je vous mets au défi de fixer droit dans les yeux la fillette assise à côté de Laurène. Jamais elle ne détourne le regard. Valentin a beau essayer, il se lasse bien avant elle.

Une semaine pleine de rencontres  

Arrivés à Kigali, nous retournons à l’auberge Mamba pour loger sur le parking à moindre coût. Mais nous trouvons porte close. C’est à cet instant que nous rencontrons Egide. Il nous invite à nous installer sur le parking du restaurant d’en face, où il travaille. Bien qu’il n’y soit que gardien, il a pris en charge notre accueil et veillé à ce que nous soyons bien installés, avec un accès aux sanitaires.

Egide parle très bien français. Nous avons beaucoup discuté ensemble. Ancien militaire, il connaît bien l’histoire de son pays. Au début du génocide, il a été témoin des troupes françaises qui se sont retirés malgré les atrocités qui avaient déjà lieu. Après le génocide, il a été envoyé au Congo (RDC). En 1996, le nouveau gouvernement est parti en guerre contre les responsables du génocide qui s’y étaient réfugiés. Au passage, il a vu les mines congolaises se faire piller par son pays et ses alliés. Il voyait des containers entiers de minerai qui partaient chaque jour en direction du Rwanda au dépend du Congo…Cette accumulation de richesses a financé le début du développement éclair du Rwanda. Pour vivre paisiblement au Rwanda, il ne vaut mieux pas s’opposer au gouvernement en pointant les dysfonctionnements. Heureusement, même s’il n’est pas un exemple en matière de liberté d’expression, le gouvernement œuvre pour développer rapidement le pays . L’objectif du nouveau gouvernement est de lutter contre la pauvreté pour ne pas se laisser emporter par le passé. Il a mis en place plusieurs programmes pour sortir les gens de la pauvreté et se libérer de la dépendance à l’aide internationale.

Les programmes de développement

Le « Made in Rwanda » est un programme qui pousse la population à acheter des produits fabriqués localement pour supporter le pays et son développement. Par exemple, les vêtements usés d’Europe ne sont plus importés pour développer l’industrie de la mode et l’économie locale. L’argent reste dans le pays au lieu de financer des entreprises étrangères. Le Rwanda développe des industries: le fer, le béton, le tissus… Parallèlement, « Home grown » solutions est un autre programme qui fait en sorte que les aides soient investis dans les ressources du pays et nouvelles industries. Elles seront ensuite gérées en toute autonomie et sources de revenus.
Par ailleurs, les lois et démarches administratives ont été simplifiées pour faciliter les étrangers à investir et les locaux à créer des entreprises dans le pays. Le Rwanda alloue aussi des autorisations de recherches aux pays qui ont les compétences dans des domaines spécifiques. Depuis quelques années, le gouvernement pousse l’éducation à être aussi technique, pour développer les métiers de l’artisanat qui apportent de la valeur ajoutée. Mais aussi pour ne pas avoir une éducation seulement universitaire sans suffisamment de débouchés professionnels. Finalement, aujourd’hui, on encourage les rwandais à penser à l’avenir et économiser pour épargner.

De retour au restaurant, c’est sur ce même parking que nous rencontrons Emmanuel, quelques heures après Egide. Il loue une chambre ici lorsqu’il a des affaires à Kigali. Et des affaires, depuis qu’il est devenu avocat du barreau en 2014, il en a beaucoup. Tout comme Egide, il parle français. En septembre, il va se rendre en France, à Besançon, pour parfaire son niveau à l’université linguistique durant quelque mois.

Emmanuel est heureux de rencontrer des étrangers. Il nous parle avec entrain de son association « Hands in action ». Il l’a créé récemment pour participer à son échelle au développement du pays. Il a voulu trouver des solutions pour la reconstruction de la vie après le génocide. Il a été marqué par les veuves et orphelins blessés en profondeur par cet événement. Il apporte une assistance juridique aux plus démunis. Il soutient aussi femmes et enfants des communautés notamment par l’éducation et l’apprentissage renforcé de l’agriculture.

En  2009, les premières actions consistent à fournir du matériel scolaire et des chèvres. Depuis, il travaille avec les chefs de villages ou cellules pour identifier les gens qui sont le plus dans le besoin. Pour financer l’association, les membres donnent chaque mois un peu d’argent. Une américaine a contribué avec des dons par le passé, mais aujourd’hui seuls les membres autofinancent. 

Emmanuel nous raconte aussi comment le Rwanda a réussi à se relever après la tragédie de 1994. Paul Kagame, à la tête du FPR qui reprend le pouvoir et stoppe le génocide, interdit à la population de se venger. Se venger ne ferait qu’attiser la haine. Les rwandais doivent travailler ensemble et se pardonner. Les rescapés doivent cohabiter et s’unir, responsables comme victimes.
Les facteurs principaux qui ont aidé les Rwandais à se réconcilier sont :

  1. Le fondement est le leadership de Paul Kagame qui a inculqué une vision du futur et une inspiration à la population 
  2. Le pardon, qui a permit de ramener la paix et d’aller de l’avant en abandonnant la vengeance 
  3. La bonne foi de collaborer et travailler ensemble main dans la main pour reconstruire le pays

À travers son association, Emmanuel souhaite amener les gens à comprendre ce processus de réconciliation, qui pourrait être pris comme exemple. Il souhaite proposer du volontariat pour faire découvrir cette histoire et créer un partage d’expérience. Il est à la recherche de candidats qui pourraient partager leur savoirs dans les domaine de l’éducation, l’agriculture ou encore la santé.

La galerie d’art des amis 

Encore et toujours sur le parking du même restaurant, quelques jours plus tard, nous faisons la rencontre de Sam qui nous invite à nous installer chez lui. En 2020, en plein Covid, il a transformé sa grande maison en galerie d’art : Inshuti gallery. Inshuti veut dire ami et le lieu porte bien son nom. Tous les jours, des amis s’y retrouvent pour une partie de billard, une bière, peindre à l’atelier ou simplement discuter. Nous rencontrons beaucoup de monde. Treize artistes exposent en ce moment dans la galerie. Nous sommes entourés de créateurs. Isaac, le couturier qui vend ses chemises et cravates, Maryam, iranienne qui peint ou encore Rebecca qui vend ses créations artisanales à la boutique de souvenirs. La dernière en date est une paire de boucles d’oreilles en bois taillées en forme de gorille.  Billy tient le bar avec sa sœur qui nous ouvre un peu plus de bières chaque jour.

Kigali by night 

Le vendredi soir. Nous faisons la rencontre de Hannah, la copine de Sam. Elle est journaliste télévision et radio, et connaît tous les bons plans de la capitale. Elle a bien l’intention de nous en faire découvrir quelques uns. Accompagnés de Sam et Maryam, nous partons en direction de la colline d’en face, dans le quartier musulman. Nous découvrons alors une rue piétonne bondée. Nous slalomons entre les tables et les chaises pour nous frayer un chemin. Ici, chaque petite maison est un restaurant qui sert de la nourriture locale et du thé aux épices. Au bout de la rue, une scène avec des chanteurs locaux met l’ambiance. Il y a de la vie et de l’énergie dans cette petite rue et ça nous plait bien. Nous trouvons une table pour cinq et Hannah commande pour tout le monde. Le principe est de partager un grand plat et de manger avec les mains. On reçoit alors un énorme plat de riz pilaf divin, recouvert de pièces de bœuf fondantes. C’est sans hésiter l’un des meilleurs plats qu’on ait mangé en Afrique jusque là ! Et pour une bouchée de pain !
On poursuit la soirée dans une autre rue piétonne, hors du quartier musulman. Toute la jeunesse de Kigali s’y retrouve pour boire un verre et faire la fête. Sur un kilomètre, on trouve de nombreux bars et plusieurs scènes avec DJ ou artistes.

Inshuti voit défiler les visiteurs, nous y rencontrons toujours plus de monde. Le samedi, c’est live painting et live music. Le temps d’un soir, nous nous prenons pour des artistes. À deux, nous peignons un tableau inspiré par notre voyage. Nous représentons l’ Afrique par un dégradé de noir, marron, jaune en passant par le rouge et le orange. En quelque sorte un mélange des couleurs que nous retrouvons sur la route. Autour du continent serpente des mots inscrits dans toutes les langues que nous avons apprises cette année. Nous le finirons plus tard en ajoutant les noms des rencontres marquantes du voyage sur le pourtour de la toile. 

À peine nos pinceaux nettoyés, nous rencontrons des Afghans. Parmi les cinq, deux sont chercheurs. Ils ont dû fuir le pays suite au coup d’état des talibans. Être un ancien employé du gouvernement aurait pu leur coûter la vie ou, dans le meilleur des cas, la perte de tous leurs biens. Rapatriés par les États Unis, ils sont aujourd’hui professeurs à l’université de Kigali au Rwanda. C’est un poste transitoire avant de rejoindre les États Unis cet été. Ces gens sont d’une gentillesse incroyable. Ils nous donnent l’envie de visiter l’Asie du sud est.

Nous sommes bien installés et passons de bons moments à Inshuti mais il est temps de partir. Nous avons déjà repoussé notre départ d’un jour pour profiter un peu plus de nos amis et se reposer de la soirée de samedi soir. Nous avons assisté à un concert à l’arena. Une salle flambant-neuve qui ressemble beaucoup à l’Hartwall arena d’Helsinki. Nous découvrons de nouveaux chanteurs comme le nigérian Tekno, une star incontestée du continent. La foule était en délire et l’ambiance au rendez-vous.

Lundi après-midi, le passage de la frontière Tanzanienne vient clôturer notre séjour au Rwanda.

La publication a un commentaire

  1. Claude

    Pas mal celui des éléphants qui chargent !

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